Une phrase peinte à l’arrière d’un taxi‑bus jaune traverse les embouteillages : «Nasalela bango, batikala n’a bambongo na nga », ce qui signifie en français : «J’ai travaillé pour eux, mais ils sont restés avec mon argent ».
C’est une confession de rue, un cri discret, mais lourd de sens. Derrière ces mots, c’est toute une réalité sociale, économique et morale qui se dessine — celle d’un rapport de travail inachevé, d’une promesse non tenue, d’une justice salariale trop souvent absente.
Le contexte économique : travail acharné, promesse non tenue
Dans beaucoup de secteurs informels, publics ou privés du pays, les travailleurs — journaliers, prestataires, contractuels — fournissent un effort considérable : des heures longues, des tâches physiques, des déplacements coûteux. Pourtant, il arrive fréquemment que les paiements soient retardés, partiels, ou tout simplement non versés.
Cette expression traduit cette frustration : le sentiment d’avoir donné de son temps, de son énergie, parfois de sa dignité, sans recevoir ce qui était dû. « Mareka batikala n’a bambongo na nga » pourrait être la version officielle, s’il existait un cadre légal strict pour sanctionner ces abus.
Une réalité sociale : l’effet domino de l’impayé
Quand un employé ou un prestataire ne touche pas son dû :
- La famille à charge souffre (nourriture, scolarité, soin mal assuré)
- Les dettes montent (crédit informel, fournisseurs, transport)
- L’estime de soi est entamée : travailler sans être reconnu par le paiement, c’est travailler sans respect.
- Cela engendre des tensions sociales, des conflits à l’intérieur des entreprises, voire des grèves ou des arrêts de travail.
Les impayés proviennent souvent :
- De manque de budget dans les administrations
- De détournement, de mauvaise gestion ou de favoritisme
- De contrats verbaux ou informels non respectés
- De la faiblesse des recours légaux pour ceux qui ne sont pas salariés officiellement
Les plus vulnérables (contractuels sans protection, jeunes sans contrat écrit, informels, femmes) paient le prix fort.
Une vertu de transparence et de responsabilité
L’éveil du public, via des mots comme ceux-ci sur les taxis, véhicule une demande de responsabilisation :
- Que les contrats soient clairs, écrits
- Que les délais de paiement soient respectés
- Que les juridictions compétentes soient accessibles
- Que les entreprises publiques comme privées, ainsi que l'État, intègrent des mécanismes de sanction contre les retards ou refus de paiement
Mais ce constat amer ne signifie pas résignation. Des initiatives existent :
- Les syndicats qui négocient des paiements réguliers
- Les médias qui dévoilent les épineuses histoires d’impayés
- Des associations de protection du travailleur qui offrent assistance et conseil
- L’élaboration de textes législatifs visant à mieux protéger les contractuels ou prestataires
« Nasalela bango, batikala n’a bambongo na nga » est plus qu’une phrase sur un véhicule jaune. C’est un miroir du vécu de nombreux congolais. C’est une invitation à rendre justice au travail, à faire respecter la parole donnée, à revendiquer le paiement comme un droit fondamental.
Le travail perd sa valeur si le paiement n’existe pas. Il est temps que chacun — employeurs, responsables publics, citoyens — reconnaisse que le paiement du travail n’est pas un luxe, mais une nécessité vitale.
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